L'article qui suit, écrit en 1998, est prémonitoire du
Labyrinthe de l'Imaginaire 2009

"Art that plays does not work" Extrait

Par Henry Lehmann, The Gazette - Traduit de l'anglais par Sarah Kidd

Allumez l’interrupteur et l’installation "média-mixte" de Florent Veilleux s’anime en un véritable spectacle de sons et lumières.

La vedette incontestée de l’exposition (1) demeure la gargantuesque installation  multidimensionnelle de l’artiste Florent Veilleux. Énigmatiquement intitulé « Le Jardin des Six Mains », «L’Urgence d’Aller Nulle Part », cet ouvrage, aussi important que le contenu de trois ventes de garage, fourmille de circuits presque vivants. Nous craignons parfois d’appuyer sur le bouton déclencheur, de peur de faire frire les deux statues humanoïdes, faisant partie de la schématique de Veilleux. Lorsque l’art “tue” ainsi, c’est toujours fait volontairement.

En vérité, si vous allumez l’interrupteur, vous activez tout un spectacle de sons et de lumières. Une poupée kitsch miniature, en jupe de paille, gigue frénétiquement pendant qu’une "tirelire cochon" en or, minutieusement positionnée en équilibre sur une échelle, demeure inerte. Ici et là, des "patterns" de spirales installées sur de vieux tourne-disques en marche, tournent inlassablement nous induisant dans un état second, hypnotique. Véritablement, l’oeuvre-métastase de Veilleux est l’antithèse extrême de la séduction du suave des Nymphéas de Monet.

Ceux qui souhaiteraient approfondir leur compréhension de ce spectacle feraient mieux d’éviter les textes qui accompagnent l’ouvrage, et qui sont placés en intervalles tout au long de la bordure de l’œuvre. La bordure est elle aussi abondamment décorée d’images stylisées de la flore et de la faune. Nous y lisons, de l’oeuvre de Veilleux, qu’elle est, ou devrait être, une allégorie du célèbre désastre marin le Grotanic.

Pendant ce temps, un écriteau électronique s’allume et annonce «Arrêt, je suis fou d’une autre vie ». Incroyablement diffuse, et carrément chaotique, l’oeuvre de Veilleux ne pourrait se soutenir aussi magiquement, si ce n’était que de l’obsession pure qui l’anime tout entière. L’oeuvre à elle seule suffit au spectacle en entier.

Amoureux de l’absurde, Florent Veilleux ne compte sur aucune formation artistique traditionnelle, mais plutôt sur une formation en électronique et un talent indéniable pour les effets spéciaux. Nous demeurons carrément stupéfaits devant l’étrange quoique admirable habileté de l’artiste, à refouler toute tentative d’adresse et de conformité. Dans un premier temps, Veilleux nous convainc de sa foi pour le “plus et toujours plus” mais par ailleurs, il surprend en affirmant à l'opposé, que selon lui, «les objets sont secondaires ». Quoique nous puissions toutefois penser, personne ne doutera de l’authenticité véritable de ce Veilleux; tantôt le sage et tantôt le naïf.

(1) Exposition collective STIMULI à la maison de la culture Frontenac (été 1998) Florent Veilleux y expose une autre installation monumentale intitulée "Le jardin des six mains" parce que il faut trois personnes appuyant en même temps sur trois boutons diamétralement opposés pour que tout s'anime. Quant à "L'urgence d'aller nulle part", rien de neuf. On est toujours dedans. Un peu plus bas.

L'installation se présente comme une grande piscine extérieure à ciel ouvert. Elle ironise sur le film Titanic qui envahit alors tous les écrans du monde. L'autre défi? N'utiliser aucune des œuvres qu'il a exposées au musée McCord quelques mois plus tôt. Les textes ont ici une importance capitale.